Les dépendances ou troubles alimentaires

Cessez de vous blâmer, ce n’est pas dû à un manque de volonté !

Article écrit pour le magazine Vitalité Québec, janvier 2022


C’est plus d’un million de Canadiens qui sont touchés par les troubles alimentaires. Souffrir de suralimentation chronique amène des montagnes russes émotionnelles, des défis sociaux et des conséquences physiques destructrices. La psychiatrie et les spécialistes de la santé mentale s’efforcent d’encadrer ces patients, mais malheureusement, une évaluation métabolique est rarement offerte. Nous connaissons pourtant de mieux en mieux le lien entre la nutrition, le fonctionnement cérébral, neuronal, hormonal et la régulation de l’appétit.

Quand le corps n’arrive plus à réguler l’appétit.

Le terme « syndrome d’hyperphagie boulimique » ou « binge eating » en anglais, est un terme utilisé pour parler d’un trouble de conduite alimentaire qui se distingue de la boulimie par l’absence de contrôle du poids. Dans les deux cas, et même quand il s’agit de simples rages alimentaires, nous pouvons affirmer qu’un déséquilibre métabolique est généralement sous-jacent. Les sensations de faim et de satiété sont intelligemment régulées par un jeu hormonal et nerveux, dont l’équilibre dépend de maints facteurs.  Si la suralimentation chronique est souvent déclenchée par l’émotivité, d’où l’expression « manger ses émotions », et qu’un soutien psychologique est nécessaire pour pouvoir mieux gérer une dépendance, il est toutefois essentiel de questionner et d’évaluer la biochimie de l’appétit et de la remettre sous contrôle.

Tout d’abord, l’équilibre est nécessaire entre les niveaux des neurotransmetteurs sérotonine, dopamine et noradrénaline. On a démontré le lien entre la boulimie et des niveaux chroniquement bas de sérotonine. Cette dernière est connue pour son effet positif sur l’humeur, mais également sur l’appétit. La dopamine, quant à elle, est associée au système de récompense et au plaisir. C’est le neurotransmetteur en cause dans les dépendances. La compulsion alimentaire est d’ailleurs associée à une baisse des niveaux de dopamine et une hypersensibilité du système de récompense. Le système central de la noradrénaline est un élément essentiel du contrôle du stress et influence également l’appétit au niveau hypothalamique, c’est-à-dire dans le centre de contrôle du cerveau. Ces trois neurotransmetteurs influencent donc le degré d’addiction.

Si l’insuline et le glucagon régulent les niveaux de glucose sanguin, des dizaines d’autres hormones participent à la régulation de l’appétit par exemple ; la ghréline, la leptine ou la cholécystokinine. Autant l’estomac, l’intestin, le tissu adipeux et le pancréas ont la capacité de sécréter des messagers qui influencent nos comportements alimentaires.

Les causes de déséquilibres à ces niveaux pourraient être fonctionnelles, environnementales, génétiques, encouragées par des carences, des dysbioses intestinales ou des déséquilibres hormonaux. L’aspect métabolique des troubles alimentaires est complexe, mais non négligeable. Un avis médical est nécessaire pour évaluer ces conditions, mais le soutien complet du métabolisme demande une vision globale.

Les grands saboteurs de la satiété

La consommation de grandes quantités de glucides fait monter de façon monumentale la glycémie. La sécrétion d’insuline doit être tout aussi colossale pour ajuster rapidement le sucre sanguin et les hypoglycémies qui s’en suivent favorisent les rages alimentaires.

Parmi les nombreux additifs alimentaires, le glutamate monosodique (MSG) est un grand coupable. Ce rehausseur de goût omniprésent est à bannir. L’acide aminé glutamate naturellement présent dans l’alimentation s’y retrouve sous forme liée et est absorbé lentement dans l’organisme. Sous forme libre venant du MSG, il rejoint la circulation sanguine plus rapidement, dépassant les niveaux alimentaires normaux. Il agit comme une molécule de signalisation orale et du système nerveux entérique, modulant les réflexes neuroendocriniens de l’appétit. Il augmente significativement la sensation gustative umami et l’envie irrésistible de terminer notre sac de croustilles. Le désordre apporté dans notre biochimie de l’appétit perdure jusqu’à 2h après l’ingestion. Le glutamate mono sodique a de nombreux synonymes et nécessite un travail de détective pour l’éviter ; glutamate de sodium, glutamate monohydraté, acide glutamique, sel monosodique, saveur, extrait de levure… Comme il est partout dans les mets préparés commerciaux, la solution simple est de cuisiner nos repas maison et d’éviter le prêt à manger.

Les édulcorants artificiels perturbent également nos signaux de satiété. En consommant un sucre naturel, notre cerveau sécrète de la dopamine, d’où la sensation de plaisir, mais il reçoit également le signal de la leptine, hormone qui nous encourage à être raisonnables dans notre prise alimentaire. Avec des édulcorants non caloriques, le circuit de récompense est activé, mais la leptine ne jouera pas son rôle et aucun signal ne nous indique que ça suffit.

Avez-vous entendu parler des opioïdes alimentaires ? Le gluten du blé et la caséine des produits laitiers sont des protéines qui ont la capacité de devenir, si elles ne sont pas dégradées correctement, deux molécules s’apparentant aux opioïdes, soit la gliadomorphine et la caséomorphine. On les appelle aussi les exorphines. Si elles passent la barrière hématoencéphalique, ces molécules s’attachent aux mêmes récepteurs cérébraux que la morphine et peuvent occasionner une certaine dépendance à ces aliments. Cette barrière sert de protection majeure pour notre cerveau et devrait être étanche à ces molécules, mais la porosité de celle-ci est possible et fréquente. La caséomorphine pourrait également se fixer aux récepteurs de sérotonine et même de dopamine, et induire encore plus d’obsessions.

Prenez le contrôle de votre biologie !

Assurer la présence d’une quantité suffisante de protéines de qualité, de fibres et de bons gras à chaque repas favorisera une stabilité de la glycémie, ce qui est primordial pour un contrôle alimentaire. Ensuite viendra le temps de rétablir la qualité digestive, pour garantir une disponibilité et une assimilation optimale de toutes les molécules nécessaires à l’équilibre biochimique. Les molécules décrites ci-dessous le sont à titre informatif, pour illustrer certaines nécessités métaboliques, et ne constituent en aucun cas des recommandations officielles.  

Le zinc est la clé de toute la cascade digestive ! Cofacteur essentiel de la production d’acide chlorhydrique stomacale ainsi que du fonctionnement enzymatique, le zinc permet la digestion et l’assimilation des acides aminés, précurseurs de nos précieux neurotransmetteurs, des vitamines et minéraux, essentiels à la biochimie de l’appétit. La déficience en zinc est fréquente chez les gens ayant des troubles alimentaires.

Le 5-HTP est le précurseur direct de la sérotonine. C’est à partir du tryptophane de l’alimentation que l’on synthétise naturellement la sérotonine. Cela nécessite plusieurs cofacteurs et une régulation qui n’est malheureusement pas toujours optimale. Le 5-HTP devient alors un outil intéressant, pour temporairement équilibrer les niveaux de sérotonine plus aisément.

On pense à la vitamine D tout d’abord pour le système immunitaire, mais elle a un grand rôle à jouer au niveau de l’équilibre nerveux. Elle participe entre autres à l’activation de l’enzyme de conversion du tryptophane en 5-HTP, et donc, dans la synthèse de notre précieuse sérotonine. Un niveau de vitamine D sous les normes est associé à un risque plus élevé de souffrir de compulsions alimentaires.

Les vitamines B, plus particulièrement les vitamines B6, acide folique et B12, sont impliqués dans la synthèse des neurotransmetteurs. Elles contribuent à stabiliser la glycémie, procurent de l’énergie et vont même jusqu’à participer à la régulation et la synthèse de nombreuses protéines, influençant du même coup l’équilibre hormonal, la qualité des membranes cellulaires et la transmission nerveuse.

Le chrome est un microélément essentiel que l’on nommait autrefois « facteur de tolérance au glucose ». Il participe à un meilleur métabolisme des sucres, mais également des lipides. C’est un outil de gestion de la glycémie quand celle-ci est difficile à stabiliser.

Le magnésium joue un rôle vital dans l’organisme. Il participe à plus de 600 processus métaboliques telle la conversion des protéines, des lipides et des glucides en énergie, l’équilibre hormonal, la synthèse de sérotonine et la dégradation des catécholamines. Un déficit en magnésium augmente la vulnérabilité aux dépendances et aux rechutes.

La phénylalanine, les acides gras oméga 3, des enzymes digestives, certaines plantes ou certains probiotiques spécifiques pourraient également être pertinents selon les besoins et l’individualité de chacun.

L’avantage de l’approche intégrative

Retrouver un contrôle alimentaire est un défi. La motivation personnelle est évidemment l’élément de base et sa présence est indispensable. Le soutien psychologique est ensuite essentiel et des thérapeutes spécialisés font un travail exceptionnel d’accompagnement. Mais si nous pouvions faire plus ? Si nous ajoutions le soutien métabolique dans toute démarche de rétablissement des dépendances alimentaires. Nous pourrions être surpris.

Andréanne Hatin ND.A

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